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Les conditions "insupportables" des musulmans pour enterrer leurs morts

Photo du rédacteur: Myss_Myss_

La pandémie empêche les rapatriements des morts musulmans dans les pays d'origine et amplifie dramatiquement le manque de carrés confessionnels dans les cimetières communaux.



Karim avait 87 ans. L’essentiel de sa vie, il l’avait passé en France, sa deuxième patrie où il était venu travailler comme ouvrier dans le bâtiment, dans les années 60.

«C’est ici qu’il a vécu, qu’il a élevé ses cinq enfants», raconte à Libération, Mohammed, l’un de ses fils, tentant comme il peut de retenir ses sanglots. Le vieil Algérien a été fauché, le 4 avril, par le Covid-19.

Après seulement quelques jours d’hospitalisation et après avoir été placé sous oxygène.

«Ce que l’on veut maintenant, c’est qu’il soit enterré avec dignité», plaide Mohammed.


Depuis le début de la pandémie, les familles musulmanes ont d’extrêmes difficultés pour enterrer leurs défunts. Comme la majorité des gens de sa génération, Karim avait prévu de se faire inhumer au pays. Ce qui est impossible car il est mort du Covid-19. Dans la commune du Val-de-Marne où il habitait, le cimetière ne compte pas de carré confessionnel musulman.

«Nous avons demandé à la municipalité limitrophe. Il y faisait ses courses, y avait des amis, s’y rendait chez le médecin, mais cela nous a été refusé», explique Mohammed.


«Difficultés insupportables»

La famille n’a pas pu faire de recours. La décision dépend uniquement du maire, celui-ci pouvant refuser une sépulture à une personne qui n’habite pas sa commune. «Nous sommes pourtant dans un moment exceptionnel, c’est bien ce que le président de la République a dit», s’insurge le fils de Karim. Pour l’heure, beaucoup de maires refusent d’inhumer dans les carrés musulmans de leurs cimetières des défunts qui ne sont pas résidents dans leur commune, craignant eux-mêmes d’être submergés.


Pour son père, Mohammed a dû batailler une douzaine de jours avant de trouver une solution. «C’est très douloureux et très angoissant. Nous avons passé des dizaines de coups de téléphone, fait jouer nos relations, mis la pression sur les pompes funèbres», confie-t-il. Finalement, Karim sera inhumé au cimetière intercommunal de Valenton (Val-de-Marne).

«Mais pas avant le milieu de la semaine prochaine», explique son fils.


«Pour les familles endeuillées, ces difficultés sont insupportables», relève, de son côté, Mohammed Moussaoui, le président du Conseil Français du culte musulman (CFCM). Des rumeurs terribles circulent d’ailleurs sur les réseaux, laissant entendre que des dépouilles ont été laissées à l’abandon. «Je n’ai aucune information fiable à ce sujet», corrige le président du CFCM.


Un manque de carrés musulmans

L’implantation généralisée de carrés musulmans est une revendication ancienne des associations musulmanes depuis une vingtaine d’années. Si elles le réclament, c’est pour des impératifs rituels, le défunt couché sur le flanc doit avoir le visage tourné vers La Mecque. «S’il y a une nécessité de carrés confessionnels, ce n’est pas parce que les musulmans ne veulent pas reposer en terre avec des défunts de confessions religieuses différentes», souligne le président du CFCM.


«La situation était déjà problématique avant l’épidémie», rappelle plusieurs responsables religieux. Ces dernières semaines, elle a viré quasiment à la crise. La situation est particulièrement aiguë, selon Mohammed Moussaoui, en Ile-de-France, dans le Nord et en région Paca.


A Arras (Pas-de-Calais), le président de la mosquée Annour, Mohamed Messaoudi a eu à gérer, ces dernières semaines, deux décès et a sollicité l’appui de la municipalité pour trouver des solutions. «Le carré musulman du cimetière d’Arras est saturé, explique-t-il. Pour le premier défunt, l’une des communes limitrophes a accepté de l’accueillir, mais cela a été plus compliqué pour le deuxième.» Après d’intenses recherches, la personne décédée, âgée d’une cinquantaine d’années a été inhumée au carré musulman du cimetière d’Hénin-Beaumont, à 25 kilomètres d’Arras. Pour faire face, la municipalité d’Arras a débuté en urgence, le 8 avril, des travaux afin de permettre d’adjoindre 300 m2 supplémentaire à l’actuel carré musulman ; la décision d’extension avait été actée avant le début de la pandémie.

«Ces travaux devraient s’achever très prochainement», explique-t-on au service communication de la ville.


En France, il n’existe qu’entre 300 à 400 carrés musulmans dans les cimetières municipaux,

selon des estimations encore peu précises. Leur implantation n’a aucun caractère obligatoire, restant soumis à la volonté du maire. Le plus ancien est celui situé à Bobigny (Seine-Saint-Denis), construit à proximité de l’hôpital Avicenne, dans les années 30. C’est à partir du milieu des années 70 que la question a commencé à se poser à cause des décès des Français harkis.

Si les difficultés d’inhumation des défunts musulmans sont aussi prégnantes, c’est qu’il n’y a quasiment plus de rapatriement des dépouilles dans les pays d’origine. Cette pratique encore extrêmement répandue concernait environ 80 % des décès avant la pandémie. Généralement interdits pour les personnes décédées du Covid-19, ces rapatriements ont encore lieu, selon le CFCM, au compte-gouttes par avions-cargos, à partir de Paris pour la Turquie, de Lyon et de Paris pour l’Algérie.


Qu'Allah puisse nous aider durant cette dur épreuve. 🤲✨

 

Source : Libération

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